Tokyo 東京
Hiroshige Ando, Cent vues célèbres de l'époque d'Edo
"J'imagine, à la vue d'anciennes estampes, l'espace auditif de la cité
d'Edo, peuplé du cri des colporteurs, camelots, artisans, marchands...
Désormais, la ville est vide de ces voix, de ces appels. Où sont les yatai
d'antan, boutiques roulantes, charettes-commerces s'enfonçant avec
lenteur jusque dans les ruelles et les cours pour y porter, angelus du
soir, des châtaignes chaudes ou des patates douces, cuites au feu de
bois dans des galets brûlants ? L'espace de trois notes incantatoires
de son flûteau, et tout est retrouvé.
"Les jours bleus d'hiver à
Tokyo enchantent de soleil les ruelles tranquilles, avenantes au
promeneur pensif s'y enfonçant avec la joie d'un enfant dans un
labyrinthe agreste. Il y a deux minutes encore, la rue assourdissante,
jalouse des confidences, m'interdisait tout propos à l'ami qui
m'accompagne. Maintenant, nous écoutons, souffle suspendu, deux
oiseaux, fauvettes ou étourneaux, qui bavardent gaiement, attablés
autour d'un gros kaki. Nos pas mêmes semblent gêner la paix
environnante. Des chemins de silence et de vie, il en survit encore
dans Tokyo, cherchez-les bien, et quand vous en trouverez, gardez-les
bien pour vous, c'est un bonheur clandestin qui ne souffre pas la
trahison".
Jean-François Sabouret, "Comment peut-on être Tokyoïte ?", in "Des Villes Nommées Tokyo", Editions Autrement.